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Ce musée Soulages «inhabituel»

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Pierre Soulages – Photo : Grand Rodez

Pierre Soulages a exposé à Paris, à Rome ou à Saint Petersbourg, mais le musée qui lui rend hommage s’est plus humblement niché à Rodez, ville natale de l’artiste.

Ouvert depuis mai, ce pôle d’attraction culturelle majeur, destiné à accueillir plus de 100 000 visiteurs dès la première année, n’en finit pas d’intriguer. D’abord parce qu’il concerne l’une des figures de l’abstraction les plus reconnues au monde, ensuite parce qu’il est rare d’entrer dans un musée dédié à un artiste toujours en activité. A cela s’ajoutent une donation exceptionnelle du peintre et de son épouse comprenant plus de 500 pièces, une architecture résolument contemporaine dans une ville provinciale aux portes de la campagne aveyronnaise. En bref le musée Soulages, qualifié  d’«inhabituel » par l’artiste lui-même a bel et bien de quoi éveiller quelques curiosités.

A 94 ans Pierre Soulages, avec son allure chic et son éloquence, donnerait envie aux plus hermétiques à l’art contemporain de s’interroger sur le sens de ses œuvres. Soulages, c’est avant tout un univers de peintures et de gravures sombres, « Les Outrenoirs », un monde d’enchevêtrements énigmatiques réalisés au brou de noix, de célèbres vitraux striés à l’abbatiale de Conques. Soulages c’est aussi l’intarissable chercheur de lumière, interpellé par les peintures préhistoriques, inspiré par l’architecture. Mais au-delà de l’art abstrait transparaît une réflexion, une véritable philosophie.

«On peut regarder un tableau de manière très formelle. Moi, je passe tout de suite par-dessus cette étape intéressante mais froide. Pour moi, une œuvre d’art est quelque chose qui crée une dynamique de l’émotion et de la pensée […] Ma peinture est un espace de questionnement et de méditation où les sens qu’on lui prête peuvent venir se faire et se défaire » explique ainsi l’artiste, particulièrement sensible à l’impact de ses tableaux sur le contemplateur.

Influences d’Aveyron

Loin des clichés d’un art abstrait trop élitiste, Pierre Soulages apparaît comme un homme très accessible et profondément attaché à ses racines. « Les matières [que j’utilise] sont proches de ce qui m’est fraternel : la terre, les pierres, les vieux bois, le goudron… Je me sens plus proche du fer rouillé que de la laque ou du nickel. Je suis plus terrien que métal chromé. » avoue t’il. Très tôt son univers mental et esthétique est influencé par les paysages de l’Aveyron, les arbres dénudés et les ateliers d’artisans qu’il côtoie au quotidien. Des années après, il trace encore des traits semblables aux branchages nus d’hiver en utilisant des brosses de peintres en bâtiment, des racloirs de bricoleurs. Ces outils robustes sans vocation artistique reflètent son goût pour l’élémentaire, son amour de l’originel.

4Musée en mouvement

L’ouverture en matière d’art moderne est l’une des préoccupations majeures de l’artiste, soucieux de ne pas présenter ses œuvres d’une façon trop figée. Ainsi Pierre Soulages a accepté la création du musée à la condition qu’une salle soit réservée à d’autres artistes contemporains afin d’accueillir des expositions temporaires. « Je me suis toujours méfié des musées d’artistes où tout le monde se précipite pendant trois ans, puis qui sombrent dans l’oubli. » insiste t’il.

L’ouverture réside aussi dans une volonté de mettre en lumière les processus de la création artistique, d’où l’exposition complète des travaux préparatoires des vitraux de Conques avec des cartons grandeur nature, des notes et des croquis. Une idée qui répond à l’envie de Pierre Soulages de montrer la genèse des œuvres, de mettre l’accent sur la part d’inattendu et de hasard dans la création contemporaine. « Le musée est fondé sur cette manière de penser un art sans projet, ouvert à l’accident, à ce que l’on ne connaît pas. Comme la vie finalement.» explique-t-il.

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Voyage spirituel à travers « les wagons d’acier »

Cette dialectique du mouvement s’inscrit jusque dans l’architecture du musée. Conçu par l’agence espagnole RCR arquitects en concertation avec Pierre Soulages, l’édifice s’apparente à un véritable lieu de vie avec la présence d’un jardin, la mise en place d’ateliers, et la création d’un restaurant dirigé par les chefs Michel et Sébastien Bras. Le bâtiment s’étend sur plus de 6000 mètres carrés et offre un parcours très libre aux visiteurs. On se promène ainsi à travers une succession de boîtes d’acier Corten rouge sombre, faisant écho aux teintes utilisées par le peintre. Les salles aux volumes différents s’enchaînent, alternant au fil des collections, l’obscurité intimiste et la lumière zénithale. Et ce cheminement artistique, que l’on soit connaisseur ou simple curieux, nous amène parfois à rencontrer par hasard des émotions inattendues, en poussant simplement une nouvelle porte et en ouvrant symboliquement une nouvelle boîte…

Les architectes ont souhaité que les intervalles entre les blocs d’acier évoquent les fenestras aveyronnais et ménagent une vue sur les paysages des monts voisins, comme pour nous rappeler les inspirations artistiques de Pierre Soulages. A l’image du peintre, ce musée apparaît tout en contraste, mélange de modernité et d’authenticité, d’abstrait insaisissable et d’art profondément accessible, en province, à la portée de tous. La renommée de Pierre Soulages est internationale mais on imagine difficilement l’implantation de cet édifice en dehors de l’Aveyron. Dans cette région sauvage empreinte « de sévérité et de fidélité » selon les propres mots du peintre, les œuvres ont naturellement trouvé leur place.

www.musee-soulages.grand-rodez.com

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 L’exploration de l’œuvre de Pierre Soulages se fera dans le musée à l’aide d’un parcours croisant l’histoire du peintre et les différentes techniques de sa création : peintures, œuvre gravée, vitraux comme cette salle entièrement consacrée aux vitraux réalisés pour l’abbatiale de Conques.

 

 

 

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Dessiné et conçu par les Catalans RCR arquitectes et Passelac & Roques Architectes associés, le musée Soulages prend place au cœur de la ville de Rodez  dans le jardin public du Foirail à deux pas de la cathédrale.

 

 

 

 

Photos : Cédric Méravilles

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